HOMMAGE
par R.A. MOAL
Notre profession vient de perdre un de ses membres parmi les plus éminents. En effet, le Dr Birago Diop s'est éteint, fin novembre dernier, à Dakar. Il allait avoir 83 ans. Né en cette ville, au début du siècle, il fit ses études secondaires au lycée Faidherbe de St-Louis qui forma tant de personnalités africaines.
Entré à l'école vétérinaire de Toulouse, en 1929, il soutint sa thèse, en 1933, sur le "Looping-ill et la tremblante du mouton ", puis suivit l'enseignement de l'IEMVT dont il fut diplômé, en 1934.
Autant Français que Sénégalais, par le coeur et par l'esprit que par la loi, il fit carrière, d'abord par l'administration française coloniale, ensuite dans celle de la France d'outre-mer. Après vingt-sept ans d'activité professionnelle qui lui permis d'atteindre le grade de vétérinaire inspecteur en chef de classe exceptionnelle, et après avoir dirigé les services de l'élevage et des industries animales du Burkina Fasso, de la Mauritanie et du Sénégal, il choisit, en 1961, de servir la jeune Administration du pays qui l'avait vu naître, alors que l'administration française le proposait au généralat du corps des vétérinaires inspecteurs.
VETERINAIRE
ET HOMME DE CULTURE
Homme d'une vaste culture, maniant la langue française avec précision, humour et poésie (il affirmait avoir appris notre langue au président Senghor), il a toujours consacré à l'écriture, beaucoup de son temps. On lui doit de nombreux recueils de poésies, des contes remarquables, plusieurs livres de mémoires et même des pièces de théâtre. L'une d'elle, L'os de mor lam fut jouée, au théâtre de l'Odéon, à Paris.
Il fut président de l'Association des écrivains du Sénégal et vice-président de la Confédération internationale des auteurs et compositeurs. Ceci explique que, très peu de temps après son retour au Sénégal, en 1961, il fut promu Ambassadeur de son pays, en Tunisie, poste qu'il occupa jusqu'en 1964. Il se retira alors dans son pays.
Le Dr Birago Diop était chevalier de la Légion d'Honneur et titulaire des plus hautes distinctions sénégalaises et tunisiennes.
Profondément attaché à notre profession et à sa formation, que jamais il n'accepta de voir remises en cause, ce qu'il prouva en ouvrant une clinique pour petits animaux, à Dakar, dès 1964. Il fut de toutes les luttes pour maintenir, au plus haut niveau, le renom et le rang de notre profession, que ce soit au sein de l'Administration française et des Administrations nationales installées, dès 1958, dans les nouvelles nations africaines et dans les instances internationales, au sein desquelles il a souvent siégé.
Il fut à l'origine de la vocation de nombreux compatriotes et Africains originaires de toute l'Afrique francophone qui, le considérant comme « la référence -, n'hésitaient jamais à le consulter pour connaître sa vision si particulière de l'évolution de l'élevage en zone tropicale.
LE COEUR AFRICAIN
Je voudrai associer son épouse Paule, décédée en 1982, à l'immense reconnaissance que tous vétérinaires d'outre-mer nous leur devons. Leur maison nous était toujours ouverte, accueillante à tout confrère, récemment débarqué ou non, en terre africaine et qui s'y présentait. Seul le coeur les guidait, leur hospitalité n'y avait aucune limite. Chacun de nous y était considéré comme le fils de la maison, eux qui n'avait eu que des filles. Nous y puisions savoir, expérience et surtout tout ce qui devait nous permettre de nous intégrer à cette société africaine, qui serait désormais notre univers.
Il nous reste ses écrits pour permettre de conserver, à jamais, le souvenir d'un homme attaché à faire connaître et comprendre les richesses du coeur africain.
Notre fierté est qu'il ait choisi délibérément, sans hésitation et sans jamais le moindre regret, notre langue pour le faire.
A ses filles, Dédé et Nénou, ce faible témoignage de ma profonde émotion et de ma fidélité à la mémoire de leur père, en association avec toute notre profession à laquelle il était si attaché.
La dépèche vétérinaire n°177 février 1990